mardi 16 mars 2010

Amiante maudit

En février de cette année, le premier ministre Jean Charest est allé en Inde pour une mission économique. Qu’est-ce qu’on a retenu de cette visite? Que des travailleurs indiens demandaient au Québec de cesser ses exportations d’amiante dans ce pays. Horreur! Scandale! On vend nos cochonneries aux pauvres a-t-on pu lire. Haro sur le minéral maudit! Encore en 2010, des grosses compagnies exploitent nos travailleurs, font chanter les gouvernements et se foutent des pays pauvres.

Bien oui, le Canada n’a pas interdit l’exploitation et l’exportation de cette «fibre qui tue».


Le vilain «lobby de l’amiante» empêche le Canada de suivre l’Europe dans sa quête de l’environnement sans risque. «J’ai honte d’être Canadien» a même rétorqué un membre de la Chambre des Communes.


C’est donner beaucoup trop de poids à une industrie maintenant plutôt moribonde que de penser que le pays est à la solde de cette industrie. Les mineurs de Thetford Mines et d’Asbestos ne sont pas des zombies, pas plus que la population qui habite ces régions. On y jouit même d’une plus grande espérance de vie que dans l’ensemble du Québec. Alors, pourquoi donne-t-on la parole à soi-disant experts qui agitent des épouvantails?


C’est à la fois logique et scientifique. Si on veut attirer l’attention des médias, il faut donc faire peur. Cette recette est éprouvée. Voilà donc qu’un groupe de militants à court de causes prend la défense des pauvres travailleurs étrangers qui importent le chrysotile québécois. Leur philosophie de «nous, on est beaux, bons et intelligents et on peut le contrôler, mais pas les pays pauvres» me fait sourire. Je m’étonne du degré de condescendance de ces apôtres de la pureté. Bien sûr qu’il faut des mesures de prévention adéquates, et elles sont accessibles aux pays émergents comme aux pays en développement. Où est donc le problème?


Qui sont donc ces bien-pensants qui défendent les travailleurs étrangers contre les «méfaits de l’amiante» et appellent à la communauté internationale à soutenir le bannissement du chrysotile? N’est-il par troublant de constater que les «experts» qui parcourent la planète pour dénoncer les exportations canadiennes de chrysotile soient intimement liés aux manufacturiers de produits de remplacement et aux désamianteurs? N’est-il pas curieux que les porte-parole syndicaux qui demandent la fin de l’utilisation du chrysotile fassent partie du syndicat des travailleurs du bois et de la métallurgie, alors que ce sont ces produits qui cherchent à déplacer l’amiante chrysotile dans les marchés des pays émergents?


L’Inde est un marché d’avenir. En forte croissance économique certes, mais l’Inde demeure un pays pauvre dont les infrastructures de première nécessité sont déficientes. Le chrysotile est justement un produit nécessaire à la construction de ces infrastructures, et c’est le matériau le moins dispendieux et le plus durable pour atteindre un niveau de développement décent. Appuyer l’interdiction de l’amiante chrysotile, c’est priver les pays émergents du droit au développement. C’est aller chercher l’argent des pays pauvres pour enrichir les pays riches, lesquels produisent les matériaux de remplacement – qui d’ailleurs ne sont pas moins nocifs pour la santé. Tout cela en se donnant bonne conscience d’avoir résisté à l’horrible «lobby de l’amiante».

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